dimanche 27 janvier 2013

Procès des Mésanges-Plaidoyer de Jan Fermon et Bernard Pinchard

Les victimes ne veulent pas être considérés comme une « population à problèmes »

Suite du procès de l’incendie de la tour des Mésanges, qui a causé la mort de sept personnes en 2003.

Mercredi 9 janvier : dans leur plaidoirie, Jan Fermon et Bernard Pinchard, deux des avocats des victimes de incendie, citent différents rapports d’expertise. Celui de 2003 constate qu’aucune porte coupe-feu n’était installée et que les gaines techniques ne disposaient d’aucune protection coupe-feu, ni horizontale ni verticale. Or, les gaines techniques disposées de part et d’autre du hall commun ont joué un rôle essentiel dans la propagation de l’incendie. Une détection incendie avait été installée en 1979 mais avait été démontée le 28 novembre 2002 par la société DALKIA et, dès lors, au moment de l’incendie, aucune transmission alarme n’était possible.

Les prévenus ont affirmé ou pour tout le moins insinué qu’ils ne disposaient pas des éléments d’appréciation nécessaires pour se rendre compte de la dangerosité de la situation aux Mésanges en ce qui concerne la sécurité incendie. Ignorance contredite par des éléments du dossier et dénuée de crédibilité.

Pour Jan Fermon, deux facteurs sont responsables de l’ampleur du drame : l’absence d’un système d’alarme et l’absence des portes coupe-feu. Il insiste : il ne faut pas avoir étudié, ni être architecte ou ingénieur, pour savoir qu’une alarme peut sauver des vies. C’est une simple question de bon sens. Béatrice Delhaye ne serait pas restée enfermée durant des heures avec ses enfants dans une petite chambre surchauffée, enfumée et dans le noir, si l’alarme avait fonctionné.

De nombreux témoignages mettent en évidence les problèmes liés à l’absence de toute alarme incendie…

M. Zdanov n’a pas seulement donné l’ordre de retirer la centrale d’alarme mais a en outre outrepassé les avertissements de son directeur technique sur l’urgence de remplacement du tableau. Il s’agit-là indiscutablement d’une attitude fautive de la part de M. Zdanov mettant en péril la vie et l’intégrité physique de l’ensemble des habitants.

Les deux avocats, Jan Fermon et Bernard Pinchart, relèvent encore que le premier prévenu était également bourgmestre de Mons pendant des décennies et recevait également en cette qualité tous les rapports des pompiers.

S’adressant alors à Mr Lafosse, Jan Fermon pose la question : admettons que vous n’étiez pas au courant des rapports d’experts incendie. Mais quand des locataires vous interpellent et demandent une réparation de l’alarme « parce que leur vie est importante », vous auriez pu réagir en disant « peut-être faudrait-il organiser un exercice incendie » ? Jamais un exercice incendie n’a été réalisé.

Le coût de la sécurité

Quant au rapport de Mr Hendoux de 2007, ses conclusions permettent d’écarter l’argumentation des prévenus qui tentent de se dédouaner de tout reproche en invoquant le coût des travaux de sécurisation de l’immeuble des « Mésanges ».

Il aurait fallu remplacer 72 portes et impostes. Pour l’ensemble des 72 portes résistantes au feu, la dépense à l’époque aurait été de 21.060 FB x 72 = 1.516.320 FB soit actuellement 37588,63 Euros. A côté de cela, pour un coût de 51.840 FB, le cloisonnement horizontal des gaines techniques aurait pu être réalisé.

Il faut souligner que chaque porte aurait permis une résistance au feu d’1 heure.

Mais dans l’ensemble des PV du Conseil d’Administration de la Sorelobo, nous ne trouvons aucune trace d’une discussion posant la question : ‘comment allons-nous faire pour débloquer 40.000 € pour les portes coupe-feu’. Avec ce minimum, vous auriez pu dire : « chaque année on a réalisé quelque chose pour la sécurité. Même si c’est loin de tout résoudre, au moins un peu à la fois, on a essayé de résoudre le problème ». Mais ici, RIEN sur 20 ans.

Pourtant, Mr Lafosse était un homme en vue, avec une certaine influence, gérant une ville importante. Mais personne ne se souvient d’une insistance de sa part : « j’ai une situation dangereuse, il faut débloquer des moyens ». Non, aucune demande de subsides.

Par contre, à l’époque on envisageait la construction d’un nouveau siège de la Sorelobo, 60 millions d’€. Même si ça n’a pas été fait, cela montre les choix qu’on posait !

Enfin, les parties civiles ne contestent pas que la Sorelobo connaissait des difficultés financières importantes mais il ressort des éléments du dossier que ceux-ci ne la rendaient pas incapable de débourser 51.000 FB pour réaliser des cloisons verticales dans les gaines techniques, par exemple.

Maître Jan Fermon s'arrête quelques instants, puis reprend :

« Madame la Présidente,

Je vous demande de regarder la plainte que nous avons rédigée avec les locataires sur un après-midi, dans une assemblée des familles des victimes, houleuse et difficile, avec des personnes perturbées avec ce qui venait de leur arriver. Nous avons fait une liste de tout ce qui n’allait pas au niveau de la sécurité. C’étaient des ouvriers, des femmes de ménage, des étudiants qui ont signalé ces points. Eh bien cette liste correspond entièrement aux rapports des experts ! Alors, Messieurs Lafosse et Zdanov ne savaient pas, durant 20 ans ? »


Le vandalisme

Depuis la catastrophe des Mésanges, les victimes ont été continuellement confrontées à des insinuations selon lesquelles la responsabilité pour leur dommage résiderait dans un vandalisme récurrent sur le site.

(oubien plus simple : Depuis la catastrophe, les victimes ont été sans arrêt confrontés à des insinuations selon lesquelles cet incendie était en fait de leur faute, à cause du vandalisme continuel sur le site)

Pas seulement par certains articles de presse, mais aussi par les autorités locales à la réunion d’information tenue immédiatement après le drame. La référence au vandalisme est actuellement un élément essentiel du système de défense des accusés.

L’insistance sur cette question de vandalisme est d’autant plus étonnante que la cause essentielle de l’extension rapide du feu, l’absence totale de cloisonnement, n’a bien évidemment aucun lien avec un quelconque acte de vandalisme.

Mais ce qui est grave, c’est que cette référence au vandalisme ou à une « population problématique » est tout à fait logiquement comprise par les parties civiles comme une généralisation insultante à leur égard.

Un exemple : quand les parlophones ne fonctionnaient pas, imaginez-vous l’inconfort. Soit il fallait descendre 10 étages pour voir qui a sonné, soit il fallait prendre le risque d’ouvrir. Bien souvent, la solution a été que les services techniques avaient la consigne de retirer la serrure, et l’affaire était réglée. Résultat : n’importe qui pouvait rentrer dans l’immeuble. Signalons au passage qu’un concierge aurait pu tenir un oeil. Un incendiaire volontaire pouvait donc rentrer et faire ce qu’il voulait. Les locataires que nous représentons étaient les premières victimes de cette situation, pas les coupables !

Certes, nous ne nions pas qu’il y a vandalisme, mais il est instrumentalisé pour cacher les responsabilités.

Aucun élément n’est produit par les prévenus démontrant qu’ils auraient pris des décisions ni même planifié des mesures de préventions techniques tel que le placement autour de la centrale d’armoires de protection, d’un parlophone renforcé, d’une serrure ou d’une porte renforcée, etc.

En plus, vu l’état de délabrement, que ce soit par des actes de dégradation ou par l’usure, il est clair que l’entretien était totalement défaillant. Dans ces conditions, ? (pas du bon français : les prévenus sont mal venus pour tenter de rejeter la responsabilité de la catastrophe sur « une population à risque », responsable de vandalisme.

En définitive, il y a lieu de constater que le premier prévenu était alors bourgmestre de la Ville de Mons. Il avait donc d’autres moyens à sa disposition pour lutter contre les dégradations. Aucune mesure particulière de police en ce sens n’est par ailleurs évoquée par la défense.

Conclusion générale :

Il ressort du dossier répressif et de l’instruction d’audience et de ce qui précède, que la gestion de la Sorelobo par le premier prévenu, et dans laquelle le deuxième prévenu était un maillon essentiel, a été caractérisée par une négligence systématique de la sécurité des habitants des logements sociaux et d’un mépris récurrent pour ceux-ci, considérés comme « une population à risque et à problèmes » qui pouvait déjà être reconnaissante d’avoir un toit au-dessus de la tête.

Ce mépris ne s’est pas seulement exprimé dans la négligence grave de la sécurité et du bien-être des locataires, mais également dans une attitude hautaine et de silence méprisant, rapporté par les acteurs sociaux sur le terrain, qui se posent la question de savoir pourquoi la Sorelobo n’écoute JAMAIS.

Il est sans doute exact que la gestion de la Sorelobo sur ce point n’a guère été différente de la gestion de la plupart des sociétés de logements sociaux en Région wallonne, souvent considérées comme des instruments pour organiser une politique clientéliste, et dont certains gestionnaires se considéraient comme les propriétaires privés plutôt que comme des mandataires publiques élus et rémunérés par la collectivité pour veiller aux intérêts de cette même collectivité.

Cela n’enlève néanmoins rien à la responsabilité pénale et civile des personnes responsables de cette gestion.







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